Sunday, August 11, 2013

Sur le toit du monde

Avant de repartir, plusieurs personnes viennent nous dire bonjour alors que nous sommes en train de charger les motos sur la 2ème Avenue de Dawson City, une avenue en terre, comme le sont toutes les rues ici à part celle le long de la rivière, Front Street. Il y a un hipster local, qui nous trouve trop cool. Ensuite, c'est un couple du Montana, lui avec un Stetson, elle toute timide, qui reste derrière. Nous allons passer près de chez eux, entre Belt et Monarch, et il est passionné de motos, alors il insiste pour que nous allions dormir chez eux, et il nous changera nos pneus et nous fera une vidange de l'huile : nous prenons volontiers sa carte. Enfin, un motard local, qui veut nous faire le topo de toutes les routes de l'Alaska. Nous n'arrivons presque plus à décoller, mais c'est toujours aussi agréable que de voir tous ces gens venir spontanément nous voir et s'intéresser à notre projet. Pour finir, nous profitons d'un moment de calme pour nous mettre en route, et nous allons prendre le ferry qui nous amène sur l'autre rive.



Après quelques kilomètres, le goudron laisse la place aux graviers et à la poussière. Il commence à faire frais, car la Top of the World monte régulièrement : on passe de 350 m d'altitude à Dawson, à une longue série de virages qui suivent les crêtes, entre 1000 et 1200 m. La vue est magnifique, malgré le léger voile de fumée dû aux incendies, qui empêche de voir jusqu'à l'horizon. La route est toujours bonne, et nous nous amusons à enchaîner les virages.

La fumée des incendies





Au sommet d'un col, dans un virage à gauche, une petite zone de repos permet de s'arrêter pour quelques photos, et d'apercevoir le poste de frontière à quelques centaines de mètres de là. Nous y sommes! Déjà plus de 8'000 kilomètres dans les pattes en un mois, mais nous sommes arrivés de San Francisco jusqu'en Alaska!


Juste à côté de nous, un homme d'une cinquantaine d'années est en train de s'affairer autour de son grand RV, immatriculé en.. Belgique! Nous qui avons vu les difficultés pour faire envoyer deux motos aux USA, nous ne voulons même pas imaginer ce qu'il a fallu faire pour y faire envoyer un monument pareil. Il vient nous voir, et nous discutons un moment de la route, et de nos parcours respectifs : sa femme et lui sont en train de faire un tour du Monde! Nous avons hâte de passer la frontière, et lui de reprendre la route, alors notre rencontre ne dure que quelques instants, mais les circonstances lui donnent une saveur particulière.

Le douanier au poste de frontière ne mérite pas que l'on s'attarde sur lui : disons simplement qu'il fait honneur à la réputation de sa confrérie (en tout cas pour ce qui est des américains). Il a vraiment bien choisi son métier. Mais quand on veut passer de l'autre côté, on se passe de commentaires au sujet de l'attitude du douanier. Le visa, tamponné à San Francisco, n'oblige pas ce petit bonhomme aigri à nous laisser entrer, il est seul juge. Alors je retiens mes injures entre mes dents, et je laisse passer les remarques : et lui se décide enfin à nous laisser passer tout court. Nous voici de retour aux USA, quelques milliers de kilomètres après.


Quelques virages plus loin, le panneau "Welcome to Alaska" nous attend pour la photo. Enfin, pour le moment, il est pris d'assaut par le contenu de trois autocars. Une bonne centaine de personnes, des retraités pour la plupart, mais pas seulement, est en train de passer, presque une à une, pour la photo souvenir. Quelques uns viennent nous voir et s'intéressent à nous. Quand ils apprennent que nous habitons en Suisse et que nous sommes partis de San Francisco, ils nous prennent pour des stars et veulent une photo avec nous! Finalement, le signal est donné pour annoncer le départ imminent des bus. Les passagers remontent tranquillement, et tout à coup nous nous retrouvons tout seuls sur cette esplanade, ce qui nous laisse le temps de prendre la photo à notre tour, avec les motos, puis de profiter un moment de la vue et du silence.


Il est près de 14 heures, et nous sommes encore loin de pouvoir déjeuner. Il n'y a rien sur la Top of the World jusqu'à Chicken (à part un caribou, qui s'enfuit lorsqu'il voit nos motos débouler). La route du côté américain devient moins bonne pendant quelques kilomètres. Les graviers se transforment par endroits en pierres, et la poussière en boue. Cette zone de travaux dure quelques kilomètres, et nous sommes obligés de ralentir - pas plus de 30 km/h pour les portions les plus difficiles. Mais ensuite, nous retrouvons un chemin de meilleure qualité, et nous arrivons enfin à Chicken vers 16h, très affamés.

Le "village", complètement perdu au milieu de nulle part, n'est en fait qu'un lieu d'arrêt pour les voyageurs. Hormis un café et un magasin de souvenirs, il n'y a rien ici. Les Natives habitent un petit groupe de maisons qui n'est pas visible depuis la zone d'arrêt, et on a vraiment l'impression d'être dans un lieu oublié de tous. La propriétaire du café explique qu'elle n'habite pas ici, qu'elle vient simplement y travailler en été, tant que le café est ouvert. Officiellement, Chicken compte 7 habitants..



Aux toilettes messieurs, une affiche sur la porte des cabinets explique qu'au moment de l'arrivée des premiers chercheurs d'or dans la région, lorsqu'il a été question de créer le bureau de poste du village (qui existe toujours), on aurait voulu appeler l'endroit Ptarmigan, du nom d'un oiseau présent dans la région, proche de la perdrix. Mais on ne réussit pas à s'accorder sur l'orthographe à utiliser, et le nom choisi fut finalement Chicken (poulet, pour les non francophones).

Après la pause déjeuner, puis une pause sieste peu de temps après (qui devient de plus en plus systématique, malheureusement), nous retrouvons le goudron. En haut d'une petite côte, au bord de la route, un couple nous fait signe de nous arrêter. Ils ont la soixantaine, et nous les avons croisés à Chicken quelques minutes plus tôt. Ils ont l'air en sueur, et heureux que nous nous arrêtions. Ils nous demandent d'avertir leur fils, qui se trouve à Tok, que leur RV est tombé en panne, et qu'il faut qu'il vienne les chercher. Nous prenons note de leur nom, de l'endroit où ils se trouvent, et de l'endroit où trouver leur fils, mais une dizaine de minutes plus tard, une voiture venant en face nous fait des appels de phare. Il s'agit du fils, qui s’inquiétait de ne pas les voir arriver, et qui est parti les chercher. Nous le rassurons, et il poursuit son chemin pour aller récupérer ses parents. L'entraide dans ces régions est souvent essentielle.

Nous arrivons à Tok, et trouvons un camping. Nous sommes très fatigués, mais la journée a certainement été l'une des plus belles et des plus excitantes depuis que nous faisons des voyages à moto. Les moto s'en souviendront elles aussi : la poussière s'est infiltrée partout, même sous nos polochons.



1 comment:

  1. J'ai vu le lien de votre blog sur le fofo GSFR ce soir en faisant mon petit tour journalier. Ben, j'ai tout dévoré d'une traite !!! Et hop, une adresse de plus dans les favoris... Bravo pour le récit et bonne route pour la suite
    Puceron

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