Sunday, August 4, 2013

Cassiar Highway

Mardi 30 juillet

Nous passons le pont sur la Skeena River, qui marque le début de la Stewart-Cassiar Highway. Cette route, longue de près de 900 km, est la seule alternative à la Alaska Highway pour atteindre l'Alaska par la route depuis la Colombie Britannique. Initialement, la ville de Cassiar, une cité minière proche de l'Alaska Highway, y était reliée par une route en graviers. De l'autre côté, une route partait du Sud pour atteindre Stewart, où l'on trouvait de l'or et de l'argent. Dans les années 60 et 70, la jonction entre ces deux routes fût faite, à travers des régions jusqu'alors inexplorées. Au cours des années, les travaux se sont succédé pour améliorer la route, et nous nous apercevons bientôt qu'elle n'a plus rien de bien difficile aujourd'hui. Malgré tout, les paysages traversés restent complètement intacts, et la faune s'y porte très bien, comme nous pouvons rapidement le constater (on ne voit pas grand chose, mais c'est bien un jeune ours brun qui traverse la route, à une trentaine de mètres devant nous).



Après quelques fermes en début de route, il n'y a ensuite plus aucun village sur les 250 premiers kilomètres de la route, juste la nature. Nous arrivons en fin de journée au Bell II Lodge, premier arrêt possible, auquel, pour le moins, la pause pour de l'essence est indispensable. Mais nous avons commencé la route après la pause de midi, et on est déjà en fin de journée, alors nous devrons coucher ici. L'endroit est très joli, mais à 195 dollars canadiens la chambre double, le choix est vite fait : nous allons camper. Mais les emplacements sont en graviers sur sol dur, les piquets ne s'enfoncent pas de plus d'un demi centimètre. Les gens à l'accueil n'ont pas l'air d'être au courant, ils pensaient que c'était de l'herbe. On ne doit pas leur demander un emplacement pour des tentes très souvent. Et nous comprenons vite pourquoi. Toute la zone est complètement infestée de petites mouches noires, qui s'agglutinent autour de nous, nous rentrent dans les oreilles, et cherchent à atterrir près de nos yeux. Monter la tente dans cette chaleur (près de 30 degrés) ne serait pas une épreuve normalement, mais avec les insectes cela devient pénible, et nous filons nous réfugier dans le chalet pour aller boire un verre au frais. Après manger, il faut bien retourner à la tente. Nous plongeons dedans aussi vite que possible, mais une bonne vingtaine de ces mouches, dont certaines étaient probablement posées sur nous, ont réussi à entrer dans la chambre avec nous. Nous partons à la chasse jusqu'à les avoir toutes éliminées, et nous endormons parmi les cadavres, avec une question en tête : et si on doit se lever pour aller aux toilettes au milieu de la nuit, comment allons-nous faire pour empêcher une nouvelle invasion?

Au réveil, les mouches ont disparu : elles ont dû aller se coucher. Mais elles ont été remplacées par les moustiques. Et le temps de revenir de la douche, le soleil commence déjà à taper, et les mouches à revenir. C'est décidé, on ne campera que si c'est vraiment nécessaire (c'est-à-dire si les chambres sont toujours à ces prix-là..). Au petit-déjeuner, un groupe de 4 motards nous rassure : à Dease Lake, où nous comptons nous arrêter ce soir, les motels sont nettement moins chers. La pause de midi est à Tatogga Lake, tout près du village d'Iskut.


Nous y rencontrons deux motards allemands qui habitent Boston depuis plusieurs années. Ils vont dans la même direction que nous, et lorsque nous les revoyons à notre arrivée à Dease Lake, nous les rejoignons pour un café. A la table d'à-côté, un autre motard est assis, un jeune roumain installé à Vancouver. Il revient de Prudhoe Bay, à la pointe Nord de l'Alaska, tout au bout de la Dalton Highway. Il nous raconte ses aventures, la moto couverte de boue, le soleil de minuit (Prudhoe Bay est à une latitude de 70°, au bord de l'océan Arctique, bien au-dessus du cercle polaire). Nous n'irons pas aussi loin que lui, surtout après ce qu'il nous raconte, mais nos collègues allemands comptent au moins arriver jusqu'au cercle polaire.


Deux photos de Lower Gnat Lake, juste avant d'arriver au village de Dease Lake
A Dease Lake, nous trouvons un vrai petit village, avec deux motels, un petit supermarché, et même un camion de nourriture à l'emporter. Le jeune homme qui nous accueille au Motor Inn est gallois. Quand je lui demande comment il est arrivé ici, la réponse est évidente : "It's always a girl, isn't it?". Il est fort sympathique, ainsi que sa jeune assistante, qui prépare un road trip européen à travers la Grèce, l'Italie, la France et l'Espagne pour le mois de septembre. "J'aimerais bien la Suisse, mais c'est cher!" : nous ne pouvons pas franchement la contredire, et ne pouvons pas non plus lui proposer de l'héberger, puisque nous serons encore de ce côté-ci de l'Atlantique à cette époque.

Au supermarché, nous sommes une nouvelle fois un peu frappés par la grande différence de comportement entre les "natifs", les Indiens d'Amérique, et les autres. Dans toutes les régions que nous traversons, presque depuis le début du voyage, mais en particulier ces derniers jours, les natives sont présents. Il n'y a pas vraiment de ségrégation, mais on sent qu'il n'y a chez nombre d'entre eux, et en particulier les moins jeunes, aucune sympathie envers les blancs. Difficile de le décrire, mais on sent qu'il reste une grande méfiance, et que les tensions raciales sont ici au moins aussi fortes qu'entre les noirs et les blancs dans d'autres régions d'Amérique. Peut-être même plus, car la cause des Indiens d'Amérique n'est évidemment pas aussi fortement défendue que celle des noirs. Lorsque nous arrivons à la caisse, pas un sourire, c'est à peine si on répond à notre bonjour. On aimerait pouvoir discuter, comprendre, mais le visage fermé ne laisse pas d'ouverture en ce sens. Il y a des exceptions, comme le futur chef du clan Laxskik à Kitwanga, rencontré au camping quelques jours plus tôt. Mais l'impression que nous ressentons depuis que nous sommes arrivés, est qu'une bonne partie du peuple indigène se sent totalement laissé de côté, tiraillé entre l'envie de conserver sa culture et ses racines, et le besoin de rester isolé pour y parvenir. Les jeunes qui restent n'ont pas grand chose à faire de leur vie, et se tournent beaucoup vers l'alcool, les drogues ou le jeu. Que faire d'autre, dans ces villages voués à rester des lieux de passage? Personne ne veut venir s'installer ici, pas même notre ami gallois, qui habite en fait Smithers, à 600 km au sud, et ne vient que pour travailler. Le prix des maisons en vente, dont les annonces tapissent le mur d'entrée du supermarché, en sont la preuve : 160'000 dollars pour une belle maison de 250 mètres carrés, de quoi faire rêver... L'annonce est là depuis des mois. Et pourtant, le cadre est si beau!



Nous repartons pour notre dernière demi-journée sur la Stewart-Cassiar Highway. Jusqu'ici, aucune difficulté à signaler. La route est goudronnée partout, à l'exception d'un petit tronçon en graviers d'environ 1 kilomètre peu avant Dease Lake. Un motard croisé la veille nous a dit que la partie la plus difficile était juste avant d'atteindre l'Alaska Highway. Il y a en effet encore de petits secteurs en graviers, ainsi qu'une zone en construction où l'on est en train de tasser le chlorure de calcium qui vient d'y être déposé. Ce composé est un absorbeur d'humidité, et on le dépose sur les routes en gravier pour qu'il absorbe l'humidité de l'air ambiant, et alourdisse ainsi la poussière qui compose la route, afin qu'elle reste en bon état plus longtemps. Mais cette poudre ne fait pas un revêtement très solide lorsqu'elle vient d'être posée. Malgré tout, nous passons sans trop de problèmes.

Le problème survient un peu plus tard. Alors que nous roulons depuis environ une heure, j'entends Aurore crier dans l'oreillette. C'est un cri de douleur. Et il est suivi de plusieurs autres, tandis que je lui demande si ça va, et ce qui vient de se passer. Elle ne répond pas, n'arrivant qu'à pousser d'autres cris, tandis que nous nous arrêtons. Je vois qu'elle tient sa jambe gauche éloignée de la moto. Quand elle parvient à se reprendre un peu, elle me dit que la raison de cette douleur est un oiseau! Et pas un petit. En regardant en arrière, il y a en effet un oiseau au milieu de la route, environ 200 mètres en arrière. Il y a du sang sur la botte d'Aurore, qui n'est heureusement pas le sien. Cela fait mal sur le coup, mais en soulevant la jambe de son pantalon, il ne semble rien y avoir de cassé, et pas de plaie non plus : elle en sera quitte pour de beaux bleus. Nous retournons en arrière pour voir s'il y a quelque chose à faire pour le pauvre oiseau. C'est un rapace, probablement un genre de faucon, mais n'étant pas des experts, il nous est difficile d'en dire plus. Ce qui est sûr, c'est que la pauvre bête, qui a piqué directement entre la jambe d'Aurore et sa moto, est certainement morte sur le coup.


Encore une petite mésaventure, mais Aurore serre les dents, et la douleur finit par passer. Les quelques motos qui passent à côté de nous ralentissent pour demander si tout va bien, et nous les rassurons. Dans ces régions, si on vous voit arrêté au bord de la route, et que ça n'a pas l'air normal, on s'arrête pour vous porter secours. Nous poursuivons notre route après cette interruption, et le paysage change brutalement dans les derniers kilomètres de cette Cassiar Highway, le résultat d'un feu de forêt, probablement assez récent.



Les nuages que l'on voit nous amèneront une averse, mais le temps d'arriver au bout de la route, au 60ème parallèle et au panneau d'entrée dans la province du Yukon, nous sommes secs, et prêts pour la photo souvenir. Dernière frontière avant l'Alaska..





5 comments:

  1. Bien les enfants mais la prochaine vidéo de l'ours je compte sur vous pour que ce soit Franci qui lui tende un cookie à 30cm :). Là vous êtes tellement loin qu'on peut confondre avec un raton-laveur :).
    Allez, bon courage pour l'Alaska.

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  2. Bonne route pour L Alaska et Francesco arrête d'attirer les insectes .Gros bisous.Bernard et Maryse

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  3. Avec toutes nos excuses Francesco et avec beaucoup de retard nous te souhaitons un bon anniversaire. Avec toutes ces péripéties nous avons oublie la date et pourtant nous en avions parle
    la veille. Encore bon ANNIVERSAIRE et gros bisous. Nous ne vous oublions pas et pensons très fort a vous. Bernard et Maryse.

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