Wednesday, August 28, 2013

Retour à Fairbanks, début de la Alaska Highway

Au lendemain de nos aventures entre Wiseman et l'Atigun Pass, sur le chemin du retour, nous rencontrons un peu toutes les conditions météo possibles. De la petite pluie, au grand beau temps, aux passages dans les nuages à ne plus rien y voir à plus de 10 mètres de soi. Heureusement, la route est meilleure au sud de Coldfoot, et en faisant attention dans les parties où la visibilité est réduite, nous nous en sortons sans trop de problèmes. Ce matin, nous avons rencontré Dan, un retraité originaire du Texas, qui habite à l'ouest de St. Louis, dans le Missouri. Dans la cuisine commune du Boreal Lodge de Wiseman, il nous raconte son parcours. Il habite seul dans sa grande maison depuis le décès de sa femme il y a deux ans, et part régulièrement pour des voyages organisés pour voir du pays et se faire des amis. Il nous propose de le contacter pour que nous allions dormir chez lui quand nous passerons dans la région. Encore une rencontre inattendue et bien agréable.

L'autre évènement du jour, c'est le déjeuner au Hot Spot Café, où la patronne nous prépare des sandwichs dégoulinants de jus de viande, alors que nous attendons sur la terrasse ouverte pour l'été - il doit faire 12 degrés maximum et nous restons emmitouflés dans nos vestes, mais les autres clients ont l'air de trouver qu'il fait un temps très estival en effet, et sont presque tous en t-shirt ou en débardeur.

Nous atteignons le mile 0 de la Dalton en milieu d'après-midi, alors que sur la dernière aire de bord de route, la remorque du chauffeur que nous avions aidé avant-hier, avec sa caisse à moitié par-dessus bord, est toujours là. Visiblement, il n'a pas voulu prendre de risques sur ce parcours difficile, et a préféré laisser son chargement ici en attendant une solution plus convenable. La livraison attendra...


Une petite pause pour une photo rituelle, et une poignée de main pour se féliciter mutuellement, et nous repartons pour Fairbanks, où nous fêtons le retour à la civilisation en allant commander du chinois à l'emporter - pour le coup, c'est surtout Aurore qui fête, donc.

Dès le lendemain, c'est la route du retour, et cette fois-ci, nous ne quitterons pas la Alaska Highway. 2'232 km de route jusqu'à Dawson Creek, 2'350 si on compte le morceau initial entre Fairbanks et Delta Junction, qui officiellement n'en fait pas partie, mais qui en est le prolongement direct. Si tout va bien, nous pourrons y parvenir en cinq jours. Mais pas si nous nous organisons comme pour ce midi... Quatre endroits différents : déjeuner, essence, banque et pause WC. A chaque fois, garer la moto, enlever les gants, enlever le casque, ouvrir la veste, prendre les clés, la sacoche de réservoir (et j'en oublie), avant de tout refaire dans l'autre sens... Il y a des jours comme ça, où l'on n'a pas l'impression d'avancer.

Encore une fois, la pluie vient nous rendre visite, cette fois-ci en fin de journée, alors que nous approchons de Tok. Seulement 325 km aujourd'hui, mais alors que nous tournons pour trouver un endroit où dormir, un panneau en forme de moto sur lequel est écrit "Camping" vient éclairer notre journée. Nous entrons dans la propriété, et suivons le chemin, pour arriver à une série d'emplacements pour le moins loufoques. Il y a des tipis qui ne font qu'offrir un vague abri contre la pluie, il y a un vieux conteneur métallique, puis quelques cabanes décorées, et au bout du chemin, une vieille ambulance transformée, à l'arrière de laquelle l'espace pour brancard a été remplacé par deux matelas en mousse (quelques photos en cliquant ici). L'ambulance n'a malheureusement pas de chauffage, et semble très froide, alors nous nous rabattons sur la cabine.


La propriétaire, qui ne fait pas de manières, vient nous saluer peu de temps après que nous nous sommes installés. Elle nous explique qu'il y a un abri à disposition avec tous les outils pour travailler sur les motos, si besoin est, et un autre avec un réchaud à gaz, avec tout le nécessaire pour faire bouillir de l'eau et se faire une peu de cuisine simple. Pour les douches, il n'y en a pas, mais elle propose un sauna artisanal (une cabane avec un poêle sur lequel elle a disposé quelques pierres, et un faitout plein d'eau posé par dessus), où elle ira préparer le feu si nous souhaitons l'utiliser ce soir. Elle spécifie que la porte ferme à clé, et que l'endroit est "clothing optional"! Pour terminer, elle nous offre des autocollants à apposer sur les valises des motos : Aurore n'est pas certaine de vouloir le faire sur la sienne...


Ce qui est sûr, c'est que l'endroit est très "bon esprit", et la nuit un peu difficile sur les sommiers en bois ne gâche pas l'ambiance, au contraire. Au moins, nous nous lèverons tôt demain matin, et comme il n'y a pas de douche, nous serons vite sur la route.

Tuesday, August 27, 2013

Dalton Highway

Mardi 13 août

Nous quittons la cabine sous un ciel gris, pour rejoindre Fairbanks. Seulement 2h30 de route au programme aujourd'hui, mais c'est pour mieux reprendre des forces avant 3 jours sur la Dalton Highway. A plusieurs reprises, nous passons dans des zones à visibilité réduite : les incendies continuent de brûler les hectares de forêt, aidés par le vent et le temps généralement sec (de mémoire, l'un des étés les plus secs de tous les temps d'après les habitants). Nous nous arrêtons déjeuner dans un pub au bord de la route, isolé au milieu de la forêt. L'éclairage sombre et le terrarium dans lequel dort tranquillement un iguane donnent une ambiance assez particulière, mais elle est tempérée par la patronne qui prépare avec énergie les hamburgers, dans une cuisine ouverte sur la salle principale.

Nous arrivons à l'adresse donnée par notre réservation sur AirBnb, un superbe Bed & Breakfast. Trop beau pour être vrai, en tout cas au prix proposé. En effet, les propriétaires viennent d'acquérir un bâtiment à quelques centaines de mètres de là, beaucoup moins mignon, pour le coup - du moins de l'extérieur. A l'intérieur, la chambre est propre et agréable, même s'il manque un peu de vaisselle pour aller avec la kitchenette. Dans la salle de bains, une baignoire avec bain à remous fait trembler presque tout l'immeuble lorsqu'on enclenche le système, mais le bain chaud fait tout de même du bien.

Nous filons en ville, où nous avons repéré un magasin qui pourrait nous aider à réparer mon oreillette, qui est à nouveau en rade. C'est un magasin de musique, et après quelques minutes, le vendeur/réparateur accepte de ressouder le fil qui s'était détaché (peut-être ou peut-être pas à cause d'un mouvement un peu brusque de ma part...). Pour quelques dollars, le tout fonctionne à nouveau, même si la nouvelle soudure n'inspire pas franchement confiance. Nous allons bien voir ces trois prochains jours.

La Dalton, c'est la route qui mène jusqu'à Deadhorse, puis Prudhoe Bay, au bord de l'océan Arctique. C'est surtout 666 km (ça ne s'invente pas) de route réputée très difficile, avec de nombreuses sections de graviers ou de piste faite de terre compactée, de laquelle de nombreuses pierres de taille variable peuvent parfois s'échapper. Nous comptons un peu sur ce que nous avons pu constater jusqu'ici, c'est-à-dire que les routes sont souvent un peu moins difficiles que leur réputation ne le laisse entendre. Pourquoi y aller? Pour le défi, pour se trouver encore plus loin de tout, pour retrouver le plaisir que nous avions eu sur la Top of the World de rouler sur routes non asphaltées, et parce qu'elle est là, tout simplement.. Nous n'irons pas tout au bout, faute de temps et de préparation. Si l'on veut aller jusqu'à l'océan, il faut réserver un bus qui permet de parcourir les 10 derniers kilomètres. En effet, Prudhoe Bay est le site d'un énorme gisement pétrolier, le plus grand des USA. De quoi expliquer qu'une route telle que la Dalton continue d'être régulièrement entretenue, mais qui explique aussi que les lieux soient sévèrement gardés. Pas d'entrée possible pour les véhicules des particuliers, seuls des tours organisés peuvent y entrer. De plus, il faut passer une nuit à Deadhorse, le village à l'entrée du site, et pour cela réserver pour 200 dollars quelques mètres carrés dans des blocs préfabriqués. Une expérience intéressante, à partager avec tous les routiers qui acheminent du matériel jusque-là, mais que nous ne pourrons pas vivre, faute de place et de temps. Qu'importe, nous essaierons d'atteindre l'Atigun Pass, un col situé à environ 3/4 du chemin. Des italiens, rencontrés à Tok, nous avaient dit que depuis ce point on peut voir tout le North Slope, la pente douce qui mène jusqu'aux plaines arctiques et à l'océan.

Pour atteindre le début de la route, il faut déjà commencer par la Elliott Highway, qui part depuis Fairbanks en direction du Nord. Premier arrêt, Fox : dernière station service avant quelque temps. Notre ami zürichois rencontré à Dawson City nous avait dit : "Prenez un jerrican en plus, au cas où. Vous n'en aurez probablement pas besoin, mais better safe than sorry, comme on dit ici". Nous suivons son conseil, et partons de Fox sous un temps frais et gris. La Elliott est assez jolie, et entièrement goudronnée. En un peu plus d'une heure de route, nous atteignons le départ de la Dalton Highway.



Dès les premiers mètres, on quitte l'asphalte pour une piste faite de poussière et de graviers. Le décor est planté, et nous n'avons encore rien vu. Après la première petite montée, moins d'un kilomètre après le début, une aire de repos, avec une pancarte annonçant le parcours. Sur l'aire, un chauffeur est en train de faire des aller-retour entre la cabine de son camion et la remorque, qui sont pour l'instant séparées l'une de l'autre. Et pour cause : le support d'une des boîtes utilisées pour le transport des marchandises s'est affaissé. Du coup, la boîte, qui doit bien mesurer 1.5 à 2 mètres de côté, a versé sur le côté, et n'est retenue de tomber par terre que par les sangles qui l'entourent. Elle penche dangereusement, et le chauffeur est bien emprunté pour savoir quoi en faire.

Nous lui proposons notre aide. La seule chose à faire, c'est essayer d'utiliser d'autres sangles pour tirer sur la caisse et la ramener sur la plateforme. En utilisant un treuil, la caisse remonte doucement, centimètre par centimètre. Mais elle n'est plus tout à fait droite, et finit par venir s'encastrer dans les autres caisses. La sangle lâche subitement, et la caisse retombe brusquement d'un demi-mètre vers la gauche, jusqu'à ce que la sangle qui la retenait au début ne l'arrête dans sa chute. Au deuxième essai, le chauffeur arrête le treuil au bon moment, mais du coup la caisse dépasse encore nettement du bord gauche de la plateforme. D'autres camions s'arrêtent et les chauffeurs viennent aider. Nous ne pouvons plus faire grand chose pour aider, et nous avons beaucoup de route à faire, alors nous quittons l'endroit après les remerciements et la poignée de main virile du chauffeur.

Nous voilà tout à fait dans notre monde, n'est-ce pas?! En tout cas, nous sommes plongés d'entrée dans ce qui fait le côté aventure de cette route. Tout le monde est dans le même bateau ici, quel que soit le véhicule, l'origine, la raison d'être là : par conséquent, tout le monde s'entraide en cas de besoin, on est certain de ne pas se retrouver coincé trop longtemps au bord de la route, et d'avoir quelque chose à raconter. Cela nous rassure, surtout que nous n'avons pas pris de pneus de rechange...

Le temps est changeant. Des nuages rencontrés plus tôt, on passe à du grand soleil, avant de revenir à un ciel couvert, avec même quelques gouttes de pluie. Rien de bien méchant pour le moment. La route change un peu avec la météo : avec le soleil et le temps sec, une poussière impressionnante s'élève de la route. Par moments, on n'y voit presque plus rien quand on suit une voiture, ou pire, un camion. Lorsqu'on passe sur une section un peu plus humide, la poussière disparaît et la piste donne presque aussi confiance qu'une route goudronnée. Il y a bien quelques sections goudronnées, justement, mais il faut y faire attention aux nombreux nids-de-poule.


Nous arrivons au pont sur la rivière Yukon à l'heure du déjeuner. C'est le seul endroit où un ravitaillement en nourriture et en essence est possible jusqu'à Coldfoot, environ 200 km plus loin, alors la pause est de toute façon imposée.


Nous retrouvons Ian, le motard de Leeds rencontré quelques jours plus tôt au Motorcycle Shop d'Anchorage. Il nous raconte qu'entretemps il a parcouru la Denali Highway, encore plus difficile qu'ici, car surchargée de gravier. Les pleins faits (pour les motos comme pour nous), nous repartons, et arrivons peu de temps après au "Finger Mountain Wayside". Pour toute montagne, il s'agit plutôt d'une colline, sur laquelle se trouve une drôle de pierre en forme de doigt pointé vers Fairbanks, qui servait autrefois aux aviateurs pour se diriger. Difficile de croire qu'un petit monticule pas plus haut qu'un humain puisse si facilement être repéré depuis un avion, mais c'est en tout cas ce que racontent les panneaux d'information aux touristes. En tout cas, la colline donne un nouvel aperçu des grands espaces qui nous entourent, que surveille avec attention un écureuil arctique.





Environ 60 miles après la rivière, nous atteignons le cercle polaire. A l'aire de bord de route sur laquelle se trouve le panneau qui indique l'endroit fatidique, un abri de toile entouré d'une moustiquaire sert de lieu de méditation à un vieux couple de retraités, dans l'attente de touristes qu'ils accueillent ici tout l'été pour le compte du service des parcs. Madame se lève, et vient nous souhaiter la bienvenue, et nous propose de nous prendre en photo. Monsieur attend que nous allions lui dire bonjour sous la tente, et nous propose un petit diplôme commémoratif en échange d'une petite donation pour l'entretien du site. On se dit qu'il faut vraiment aimer le calme pour venir ici, mais assez rapidement d'autres touristes arrivent, et se voient proposer le même petit service : les journées ne sont peut-être pas si longues pour ces deux-là? La masse de livres qu'ils ont amené avec eux laisse tout de même planer le doute.


60 miles de plus, et nous voici arrivés à Coldfoot, après avoir suivi le pipeline qui achemine le pétrole de Prudhoe Bay jusqu'à la civilisation sur environ 400 kilomètres dans la journée. Après le cercle polaire, la route est redevenue principalement goudronnée. La flore a changé : les arbres, tellement privés de lumière en hiver, ne peuvent se permettre de pousser bien haut. On est rarement à plus de 500 mètres d'altitude, et pourtant on sent qu'on n'est pas loin de la limite entre la taïga (la forêt) et la tundra (petits buissons, mousses et lichens), des mots d'origine russe qui ont visiblement été diffusés par delà le détroit de Béring. Il s'est mis à pleuvoir, et l'esplanade de terre sur laquelle se trouvent le café et les pompes à essence de Coldfoot s'est gentiment transformé en une vaste étendue de boue, parsemée de grandes flaques. Le tout est bien glissant, surtout à basse vitesse, quand les roues se prennent plus facilement dans la moindre déformation au sol. Coldfoot et sa voisine Wiseman, où nous allons dormir, sont des petits patelins d'une quinzaine d'habitants, qui ne survivent que par leur mission de service aux usagers de la Dalton. A Wiseman, une chambre avec deux lits simples nous attend. Les quatre chambres du motel se trouvent côte à côte dans un bâtiment préfabriqué, doté d'un porche. Au bout de ce dernier, nous trouvons un espace cuisine/salon commun avec télévision et lecteur DVD, où nous passerons la soirée à regarder "Il était une fois dans l'Ouest", l'unique DVD à disposition.

Dehors, il s'est mis à pleuvoir de plus belle. Au réveil, le soleil perce à travers les nuages, mais en regardant au fond de la vallée vers le nord, on voit bien que les averses ne sont pas terminées. Le but de la journée est d'atteindre au moins l'Atigun Pass, environ 90 kilomètres plus loin, qui du haut de ses 1463 mètres, est le col routier le plus haut d'Alaska. Les 30 premiers kilomètres viennent d'être goudronnés - les travaux sont d'ailleurs encore en cours et il reste 2 kilomètres à terminer. Ensuite, c'est la terre compactée. Mais avec la pluie, cela n'a plus rien à voir avec la veille : une couche d'une espèce de gadoue, que les locaux appellent du silt, recouvre la route et la rend très glissante. Freiner s'avère très risqué, mais rouler lentement n'aide pas, au contraire - encore une fois, on contrôle moins bien la direction à basse vitesse, sans compter les risques de rouler à 30 km/h sur une route où les camions roulent à 80. Du coup, nous roulons aussi autour de 75 à 80 km/h, en espérant qu'aucun animal ne s'avise de traverser au mauvais moment. Lorsque nous tentons de nous arrêter pour respirer un peu et prendre quelques photos, il nous faut facilement 200 mètres pour arriver à stopper les motos. La route nous teste et teste les motos à fond : certainement les moments les plus excitants, les plus exaltants que nous ayons vécu sur nos deux fois deux roues. Les motos s'en souviendront, et nous aussi!






Nous arrivons après une bonne heure de route au pied du col. La route s'élève une première fois, régulièrement et sans trop de virages. On atteint alors une sorte de plateau, sur lequel se trouve une station de contrôle du pipeline, que nous suivons toujours. Peu après, la route commence à monter à nouveau, en pente plus douce pour commencer. La couche de boue devient alors plus épaisse. Les pneus commencent à avoir de plus en plus de difficulté à accrocher le sol, et nous sentons les motos louvoyer sous nos pieds de plus en plus souvent, et plus fort. Nous sommes obligés de ralentir, et cela renforce encore l'effet. Nous arrivons à 1200 mètres d'altitude, et voyons la route reprendre du pourcentage devant nous, pour aller se perdre dans le nuage.

 


La moto glisse une nouvelle fois alors que je tente de m'arrêter sur la route. Plus question de se mettre sur le côté pour s'arrêter, on filerait dans le caniveau et on n'en sortirait plus. Aurore s'arrête avec difficulté elle aussi. Nous nous regardons un moment, et nous nous comprenons. Il n'y a rien qui nous oblige à aller jusqu'en haut, nous n'y verrions de toute façon pas grand chose dans cette purée de pois. Et rouler là-dessus quand on voit ce qu'on fait est déjà assez difficile, alors quand on n'y voit plus rien et qu'on risque à tout bout de champ de se prendre un 36 tonnes ou de filer dans le ravin. Nous sommes arrivés au point le plus au nord de notre voyage, et franchement, nous ne sommes pas déçus de faire demi-tour, mais plutôt fiers d'être arrivés jusque-là. Aurore, qui avant le départ il y a 6 semaines n'était franchement pas rassurée à l'idée de faire quelques mètres sur du gravier, a été incroyable d'assurance. Nous n'avons pas croisé une seule femme à moto ici, et je n'en connais pas beaucoup qui auraient fait ce qu'elle a fait (tant pis si ça paraît sexiste). Et finalement, moi non plus je n'avais presque aucune expérience sur ce genre de route. Nous allons essayer de rentrer tranquillement, sans nous casser la figure, et contents d'être arrivés à repousser un peu nos limites.

La descente n'est pas simple, mais il n'y a personne, alors nous prenons notre temps et descendons entre 40 et 50 à l'heure. Tout en bas, comme pour ponctuer notre réussite, un camion nous croise à toute vitesse et nous douche entièrement de boue : la visière du casque devient un écran brun, que nous écartons tant bien que mal avec nos gants, et nous regagnons une aire en bord de route en rigolant comme des gamins.

Un peu plus tard, de retour au motel, la boue a séché et nous commençons le nettoyage tandis que l'eau du thé commence à bouillir.


Tuesday, August 20, 2013

The big one

Dimanche 11 août

Nous prenons congé de nos hôtes Kelly et David, en espérant que leur première expérience d'hébergement leur ait convenu. Il pleut encore ce matin, et les trois heures et demie de route s'annoncent longues. La pluie tombe régulièrement, et les occasions de faire des pauses pour se réchauffer avec une tasse de thé ne sont pas fréquentes. Entre Anchorage et le parc Denali, la plupart des cafés et restaurants notés sur les carnets de route du Milepost (la bible des voyageurs en Alaska) semblent avoir fermé ces dernières années. Nous nous arrêtons vers 14h pour prendre de l'essence et demandons s'il y a un endroit dans le coin pour déjeuner, à part le Subway à côté de la station. "Rien sur les 90 prochains miles, vous feriez mieux de manger ici".

Un peu déçus, nous allons tout de même nous restaurer, et surtout nous réchauffer. Après quelques minutes, nos vestes posées sur les dossiers des tabourets du Subway ont formé de petites mares au sol. Même mes gants, en Gore-Tex, sont trempés, car ils étaient refermés par dessus les manches de la veste. Au moins, il y a des sandwichs chauds et de la soupe, et nous reprenons un peu d'énergie. La pluie complique un peu tout à moto. Une fois les vêtements mouillés, le vent refroidit beaucoup plus, et on a tendance à se crisper : la nuque, le dos, les bras, les mains, après un certain temps, tout commence à faire un peu mal. A chaque pause, reprendre la route est plus long : il y a des couches en plus à rajouter, il faut s'assurer que chaque petit bout de peau est protégé.

Nous arrivons finalement à Cantwell, à 40 kilomètres au sud de l'entrée du parc, où la Parks Highway, que nous suivons depuis ce matin, croise la Denali Highway, qui traverse le centre de l'Alaska d'Est en Ouest. Nous y trouvons une petite cabane en bois, dans un camping, avec électricité et chauffage, pour un prix très raisonnable. Avec la météo incertaine, et la journée que nous venons de passer, c'est exactement ce qu'il nous faut. Il y a un café et un petit magasin au croisement des deux routes, et nous allons de nouveau nous réchauffer et manger un morceau avant d'aller nous coucher.

Nous avons deux jours pour explorer le parc. Celui-ci ne comporte qu'une seule route, qui s'enfonce dans la nature sur près de 150 km, dont les 25 premiers sont ouverts à la circulation, alors que la suite n'est accessible que par autocar, dans lesquels il faut réserver sa place. Nous décidons de prendre notre temps le premier jour, et arrivons vers midi. Nous commençons par réserver nos places pour le tour en bus du lendemain, puis partons pour une petite marche d'une heure jusqu'au Sled Dog Kennel, où les rangers gardent les chiens de traîneau. Ceux-ci sont le seul moyen de transport des rangers pour patrouiller la zone en hiver, quand les véhicules motorisés sont interdits dans tout le parc. La démonstration se termine de façon un peu chaotique, car deux des chiens se mettent à se bagarrer lors des derniers mètres du parcours.


De retour au centre d'informations, nous remontons sur la moto pour aller explorer la première partie du parc. Après quelques minutes, un attroupement au bord de la route nous indique que nous avons eu de la chance. Normalement, il n'y a que peu d'animaux dans cette première portion, où la circulation est plus importante, mais cela n'a pas l'air de déranger cet élan, qui rumine tranquillement à une vingtaine de mètres de la route.


Après plusieurs minutes passées à admirer tranquillement l'animal, qui a tout l'air de vouloir rester là encore un moment à profiter de la fin de journée, nous nous remettons en selle, et nous trouvons rapidement dans les grands espaces.



Le lendemain, nous arrivons au parc en milieu de matinée pour prendre le bus. Départ à 11 heures pour huit heures de trajet, jusqu'au centre Eielson, à 110 kilomètres de l'entrée du parc. Le chauffeur a la soixantaine, et il vient chaque été depuis 4 ans pour conduire ces bus depuis le Kentucky. Pendant une bonne partie du trajet, il nous raconte ce qu'il sait de l'histoire du parc, de la végétation, des animaux, et du Mont McKinley, l'attraction première du parc. Les pauses sont très courtes : deux arrêts de 10 minutes à l'aller comme au retour, ainsi qu'une pause de 30 minutes une fois arrivés au centre Eielson. Dommage, mais c'est vrai qu'une bonne partie du plaisir est de rouler sur ces routes en gravier, en admirant le paysage, ou en scrutant les alentours dans l'espoir de voir un ours ou un caribou. A chaque fois que quelqu'un en voit un, il doit crier au chauffeur de s'arrêter, pour permettre à tous d'observer tranquillement et de prendre quelques photos.




Depuis le Eielson Centre, le Mont McKinley apparaît tout entier. Nous avons beaucoup de chance, car un graphique avertit qu'en moyenne, sur les 10 dernières années, la montagne n'est visible que 3 jours au mois d'août! Nous profitons un moment de la vue, avant que l'on nous appelle pour remonter dans le bus. Quel dommage de devoir repartir si vite : la prochaine fois, nous camperons dans le parc pour avoir plus de temps!



PS : Explication du titre : Denali veut dire "The big one" en athabascan.

Friday, August 16, 2013

Alaskan natives

Vendredi 9 août

Aujourd'hui, pas de grasse matinée pour nous, nous devons emmener la moto de Franci pour la révision. Eh oui, déjà dix mille kilomètres de parcourus! Nous revenons ensuite chez David et Kelly pour petit déjeuner et décider de ce que nous allons faire de notre journée. Nous choisissons d'aller à l'Alaska Native Heritage Center.

Nous commençons la visite par une démonstration des sports pratiqués par les indiens. Certains se pratiquent avec un genre de poulie, une corde et au bout de cette corde une balle recouverte d'une peau de phoque, d'autres ressemblent au saut en longueur. La démonstration est assez impressionnante! Un autre intervenant nous parle ensuite des sept différentes tribus qui existent en Alaska, parlant en tout onze dialectes différents. Il nous apprend aussi que la distance d'Ouest en Est des îles au sud de l'Alaska et égale à la distance entre San Francisco et New York! Une autre démonstration, de danses en chanson cette fois, a lieu ensuite.


Nous allons ensuite à l'extérieur pour voir les anciennes habitations traditionnelles des différentes tribus.




L'exposition comporte aussi les kayaks qu'ils utilisaient, un moulin qui leur servait à pêcher, et d'autres objets de la vie quotidienne des natifs.





Nous nous dirigeons ensuite vers un élevage de chiens de traineau. avec la possibilité de faire un tour sur un traineau bien particulier!




Nous finissons notre tour car il est temps pour nous de retourner chercher la moto de Franci, qui va très bien, déposer la mienne et faire quelques courses pour le repas du soir. Au menu, choucroute, avec les ingrédients que j'ai pu trouver. Nous n'avons pas pu trouver de saucisse de Montbéliard, car il est difficile voire sûrement impossible d'en trouver dans cette partie du monde. La choucroute à l'air d'être réussie, nous nous régalons (cuite au Riesling, quand même!). David a prévu un dessert, des myrtilles avec de la chantilly maison. Parfait pour terminer ce délicieux souper.

Le lendemain, nous avons prévu d'aller faire du shopping, ou plutôt du lèche vitrine, mais ce "retour à la civilisation" est le bienvenu après 10 jours isolés en pleine nature. Le garage fermant à seize heures le samedi, nous partons rapidement pour récupérer ma moto, qui va aussi très bien. Nous sommes très contents d'avoir trouvé un garage comme le Motorcycle shop d'Anchorage, digne de confiance, et qui n'abuse pas des voyageurs. Nous avons d'ailleurs rencontré d'autres voyageurs, un couple écossais, Gino et Fiona (leur blog ici), ainsi que Ian, un anglais travaillant à Hong Kong.

Nous sommes contents aussi de pouvoir rester tranquilles un moment chez nos hôtes, nous n'en avons pas souvent l'occasion. Demain, nous partons pour le parc Denali.

Tuesday, August 13, 2013

Arrivée à Anchorage

Jeudi 8 août

Le lendemain matin, Eric a préparé des pancakes pour le petit déjeuner, parfait commencement pour cette journée. Nous allons ensuite nous préparer pour le départ et remercions Eric et Cynthia pour leur chaleureux accueil. Le soleil nous accompagne encore pour cette nouvelle journée, mais la température commence a descendre. Ca devait arriver tôt ou tard..

Nous sommes agréablement surpris sur la route de découvrir des paysages encore différents du Canada et vraiment bluffants, dont ce glacier que nous apercevons sur ces photos. Nous croisons aussi beaucoup de cyclistes.



Nous décidons d'aller le voir de plus près, mais bientôt nous sommes stoppés par une barrière, et quand nous allons nous renseigner dans le bâtiment la jouxtant, nous apprenons qu'il faut payer vingt dollars et en plus lire et signer un règlement, le tout pour circuler sur le chemin de gravier qui mène au pied du glacier. Du coup, nous repartons un peu déçus mais pas dupes.

Le midi nous nous arrêtons dans un RV Park au bord de la route qui fait aussi café. Nous déjeunons et au moment de repartir nous voyons arriver le groupe de cyclistes vus plutôt. Il s'agit de cyclistes qui roulent pour l'association LiveStrong depuis le Texas jusqu'en Alaska. Ils ont ainsi parcouru six mille cinq cent kilomètres à la force de leurs jambes! Nous saluons la prestation et partons pour la suite de notre route.



Nous ne pouvons nous empêcher de nous arrêter régulièrement pour profiter des magnifiques paysages que nous offre la région.




Le temps se dégrade en se rapprochant d'Anchorage, et nous arrivons chez nos hôtes David et Kelly sous la pluie. C'est leur première expérience AirBnB, alors ils sont assez excités par notre arrivée. Kelly nous dit dès le départ de ne pas hésiter à leur dire si quelque chose ne va pas, qu'ils puissent s'améliorer pour les futurs pensionnaires! Ils nous proposent de partager leur repas, et nous demandent si nous avons des préférences pour nos goûts alimentaires. Nous en profitons aussi pour leur proposer de cuisiner à notre tour demain soir, cela me faisant plaisir de retourner vers les fourneaux de temps en temps! Nous passons une très bonne soirée en leur compagnie et nous couchons tôt, un peu fatigués malgré cette courte journée.

Monday, August 12, 2013

Tok-Glennallen

Nous échouons au visitor center à Tok pour nous renseigner sur les logements dans le village. A l'entrée, nous rencontrons un couple d'italiens qui reviennent de la Dalton Highway, route que nous pensons sérieusement à faire ces prochains jours. Cette route mène à Deadhorse, au bord de l'océan arctique. L'homme nous dit qu'ils sont allés jusqu'à Wiseman, qui est un peu après le cecle polaire, aux deux tiers de la route. D'après lui, la fin de la route n'est pas aussi sympa, et depuis le col qui est un peu après Wiseman, on peut voir l'océan arctique. Pour nous c'est une bonne alternative, on ne perd pas trop de jours pour faire l'aller retour, et nous aurons fait la partie intéressante.

Nous nous dirigeons ensuite vers un camping que nous a conseillé la dame du visitor center. La jeune fille à l'accueil nous dit que le RV Park a été voté le plus fun d'Alaska! De plus elle ajoute que tous les soirs, il y a un lancer de pancakes qui permet de gagner un petit déjeuner pour le lendemain matin, qui va débuter dans quelques instants. Nous allons donc rapidement poser les motos sur notre emplacement avant d'aller essayer de gagner notre petit déjeuner.

Le jeu consiste à essayer de lancer des pancakes dans un seau. Nous avons droit à deux essais, mais attention, le premier, même s'il est réussi, ne compte pas, il faut absolument réussir le deuxième lancer. Il y a une quinzaine de personnes dont nous. Quand c'est notre tour, malheureusement ni l'un ni l'autre ne réussit à lancer ses pancakes dans le seau. Nous repartons donc pour installer la tente pour la nuit.

Le lendemain matin, lever de camp direction Glennallen, une petite ville entre Tok et Anchorage. C'est une petite journée, la route entre Tok et Anchorage étant trop longue pour être faite en une seule fois. Sur le bord de la route nous croisons aussi notre premier élan femelle, qui mange tranquillement de l'herbe en regardant les véhicules passer.
Comme la veille, nous allons nous renseigner pour les logements, et ressortons avec une liste de plusieurs B&Bs.

Nous en choisissons un, et nous nous apercevons rapidement que notre choix est le bon. Nous arrivons en effet chez Eric et Cynthia, qui reviennent d'une journée à la pêche au saumon. Ils nous proposent d'aller voir la chambre pendant qu'ils s'occupent de ranger leur matériel. Le chalet est très sympa, et la chambre aussi. Lorsque nous redescendons pour confirmer la location de la chambre, ils sont en train de vider la glacière. Ils nous racontent qu'ils ont pêché soixante quinze saumons! En tant que résidents d'Alaska ils ont le droit de pêcher pour leur propre consommation, mais nônt pas le droit de vendre les fruits de leur pêche. Ils ne peuvent pas en garder autant, alors ils décident d'en donner à leur entourage et à leurs pensionnaires. Ils nous proposent donc de partager leur souper. Au menu, saumon en papillote! Nous nous régalons et passons une très bonne soirée en leur compagnie ainsi que celle des autres personnes ayant une chambre au B&B.

Cette étape est la première ou nous n'avons pris aucune photo/vidéo, mais nous nous rattraperons les prochains jours.

Sunday, August 11, 2013

Sur le toit du monde

Avant de repartir, plusieurs personnes viennent nous dire bonjour alors que nous sommes en train de charger les motos sur la 2ème Avenue de Dawson City, une avenue en terre, comme le sont toutes les rues ici à part celle le long de la rivière, Front Street. Il y a un hipster local, qui nous trouve trop cool. Ensuite, c'est un couple du Montana, lui avec un Stetson, elle toute timide, qui reste derrière. Nous allons passer près de chez eux, entre Belt et Monarch, et il est passionné de motos, alors il insiste pour que nous allions dormir chez eux, et il nous changera nos pneus et nous fera une vidange de l'huile : nous prenons volontiers sa carte. Enfin, un motard local, qui veut nous faire le topo de toutes les routes de l'Alaska. Nous n'arrivons presque plus à décoller, mais c'est toujours aussi agréable que de voir tous ces gens venir spontanément nous voir et s'intéresser à notre projet. Pour finir, nous profitons d'un moment de calme pour nous mettre en route, et nous allons prendre le ferry qui nous amène sur l'autre rive.



Après quelques kilomètres, le goudron laisse la place aux graviers et à la poussière. Il commence à faire frais, car la Top of the World monte régulièrement : on passe de 350 m d'altitude à Dawson, à une longue série de virages qui suivent les crêtes, entre 1000 et 1200 m. La vue est magnifique, malgré le léger voile de fumée dû aux incendies, qui empêche de voir jusqu'à l'horizon. La route est toujours bonne, et nous nous amusons à enchaîner les virages.

La fumée des incendies





Au sommet d'un col, dans un virage à gauche, une petite zone de repos permet de s'arrêter pour quelques photos, et d'apercevoir le poste de frontière à quelques centaines de mètres de là. Nous y sommes! Déjà plus de 8'000 kilomètres dans les pattes en un mois, mais nous sommes arrivés de San Francisco jusqu'en Alaska!


Juste à côté de nous, un homme d'une cinquantaine d'années est en train de s'affairer autour de son grand RV, immatriculé en.. Belgique! Nous qui avons vu les difficultés pour faire envoyer deux motos aux USA, nous ne voulons même pas imaginer ce qu'il a fallu faire pour y faire envoyer un monument pareil. Il vient nous voir, et nous discutons un moment de la route, et de nos parcours respectifs : sa femme et lui sont en train de faire un tour du Monde! Nous avons hâte de passer la frontière, et lui de reprendre la route, alors notre rencontre ne dure que quelques instants, mais les circonstances lui donnent une saveur particulière.

Le douanier au poste de frontière ne mérite pas que l'on s'attarde sur lui : disons simplement qu'il fait honneur à la réputation de sa confrérie (en tout cas pour ce qui est des américains). Il a vraiment bien choisi son métier. Mais quand on veut passer de l'autre côté, on se passe de commentaires au sujet de l'attitude du douanier. Le visa, tamponné à San Francisco, n'oblige pas ce petit bonhomme aigri à nous laisser entrer, il est seul juge. Alors je retiens mes injures entre mes dents, et je laisse passer les remarques : et lui se décide enfin à nous laisser passer tout court. Nous voici de retour aux USA, quelques milliers de kilomètres après.


Quelques virages plus loin, le panneau "Welcome to Alaska" nous attend pour la photo. Enfin, pour le moment, il est pris d'assaut par le contenu de trois autocars. Une bonne centaine de personnes, des retraités pour la plupart, mais pas seulement, est en train de passer, presque une à une, pour la photo souvenir. Quelques uns viennent nous voir et s'intéressent à nous. Quand ils apprennent que nous habitons en Suisse et que nous sommes partis de San Francisco, ils nous prennent pour des stars et veulent une photo avec nous! Finalement, le signal est donné pour annoncer le départ imminent des bus. Les passagers remontent tranquillement, et tout à coup nous nous retrouvons tout seuls sur cette esplanade, ce qui nous laisse le temps de prendre la photo à notre tour, avec les motos, puis de profiter un moment de la vue et du silence.


Il est près de 14 heures, et nous sommes encore loin de pouvoir déjeuner. Il n'y a rien sur la Top of the World jusqu'à Chicken (à part un caribou, qui s'enfuit lorsqu'il voit nos motos débouler). La route du côté américain devient moins bonne pendant quelques kilomètres. Les graviers se transforment par endroits en pierres, et la poussière en boue. Cette zone de travaux dure quelques kilomètres, et nous sommes obligés de ralentir - pas plus de 30 km/h pour les portions les plus difficiles. Mais ensuite, nous retrouvons un chemin de meilleure qualité, et nous arrivons enfin à Chicken vers 16h, très affamés.

Le "village", complètement perdu au milieu de nulle part, n'est en fait qu'un lieu d'arrêt pour les voyageurs. Hormis un café et un magasin de souvenirs, il n'y a rien ici. Les Natives habitent un petit groupe de maisons qui n'est pas visible depuis la zone d'arrêt, et on a vraiment l'impression d'être dans un lieu oublié de tous. La propriétaire du café explique qu'elle n'habite pas ici, qu'elle vient simplement y travailler en été, tant que le café est ouvert. Officiellement, Chicken compte 7 habitants..



Aux toilettes messieurs, une affiche sur la porte des cabinets explique qu'au moment de l'arrivée des premiers chercheurs d'or dans la région, lorsqu'il a été question de créer le bureau de poste du village (qui existe toujours), on aurait voulu appeler l'endroit Ptarmigan, du nom d'un oiseau présent dans la région, proche de la perdrix. Mais on ne réussit pas à s'accorder sur l'orthographe à utiliser, et le nom choisi fut finalement Chicken (poulet, pour les non francophones).

Après la pause déjeuner, puis une pause sieste peu de temps après (qui devient de plus en plus systématique, malheureusement), nous retrouvons le goudron. En haut d'une petite côte, au bord de la route, un couple nous fait signe de nous arrêter. Ils ont la soixantaine, et nous les avons croisés à Chicken quelques minutes plus tôt. Ils ont l'air en sueur, et heureux que nous nous arrêtions. Ils nous demandent d'avertir leur fils, qui se trouve à Tok, que leur RV est tombé en panne, et qu'il faut qu'il vienne les chercher. Nous prenons note de leur nom, de l'endroit où ils se trouvent, et de l'endroit où trouver leur fils, mais une dizaine de minutes plus tard, une voiture venant en face nous fait des appels de phare. Il s'agit du fils, qui s’inquiétait de ne pas les voir arriver, et qui est parti les chercher. Nous le rassurons, et il poursuit son chemin pour aller récupérer ses parents. L'entraide dans ces régions est souvent essentielle.

Nous arrivons à Tok, et trouvons un camping. Nous sommes très fatigués, mais la journée a certainement été l'une des plus belles et des plus excitantes depuis que nous faisons des voyages à moto. Les moto s'en souviendront elles aussi : la poussière s'est infiltrée partout, même sous nos polochons.



Saturday, August 10, 2013

Dawson City

De Carmacks, notre prochaine destination est Dawson City, ancienne capitale et aujourd'hui la deuxième ville la plus peuplée du Yukon avec près de 2'000 habitants! La Klondike Highway, qui relie donc les deux premières "villes" du territoire, continue de comporter de nombreuses zones non goudronnées, mais avec le beau temps et les pneus adaptés, ce n'est que du bonheur. Nous atteignons en milieu de matinée les Five Finger Rapids, quatre petites îles au milieu du fleuve Yukon, qui le séparent en 5 couloirs de rapides. Aujourd'hui, elles n'ont certes rien de très impressionnant pour des rafteurs correctement équipés, mais il faut s'imaginer l'épreuve pour les chercheurs d'or sur leurs radeaux, à l'époque où aucune route ne passait à proximité.



Nous traversons ensuite deux rivières, la Pelly et la Stewart, aux villages de Pelly Crossing et Stewart Crossing respectivement. Encore une fois, pas grand chose à y voir, mais c'est l'occasion de faire une pause, et de rencontrer d'autres motards sur notre chemin. Nous en rencontrons un, sur sa V-Strom (mon ancienne moto), et la discussion s'engage rapidement. Ils nous rassurent sur l'état de la route un peu plus loin. Etonnant comme le son de cloche peut être différent d'une personne à une autre, et difficile de savoir à quoi s'attendre exactement, mais pour l'instant, nous n'avons pas rencontré de route aussi difficile que les plus pessimistes ont bien pu nous décrire, alors nous touchons du bois.

Nous nous arrêtons pour manger au Moose Creek Lodge. Nous n'avons pas choisi, c'est le hasard qui l'a voulu, mais il semble bien que nous soyons tombés sur des "compatriotes", car le drapeau bernois nous saute tout de suite aux yeux. La patronne n'est pas là, mais elle est remplacée par une autre suissesse, venue pour l'été pour travailler dans ce coin perdu.


Nous arrivons à Dawson City. Nous avons décidé de nous y arrêter toute la journée de demain : cela fait 9 jours de suite que nous roulons, et nous avons un jour d'avance sur le planning qui doit nous amener à Anchorage à temps pour la révision de nos motos. Nous qui pensions que Whitehorse cultivait son côté Far West, nous n'avions encore rien vu! La ville de Dawson a servi de base à toutes les expéditions de chercheurs d'or dans la région, et sa population a fluctué, même encore ces dernières années, en fonction notamment du prix de l'once d'or. Après les premières années de la ruée vers l'or, lorsqu'il s'est avéré qu'une communauté s'établissait bel et bien à cet endroit, un certain nombre de services ont été mis en place, comme un bureau de poste, des banques (pour échanger l'or), une école, et ainsi de suite. Ces bâtiments historiques ont été préservés, et sont aujourd'hui intégrés dans les visites organisées par le centre d'informations pour les touristes. C'est par le centre que nous apprenons que l'un des hôtels de la ville, le "Downtown Hotel", fait de bons prix en fin de journée sur leurs chambres encore libres, et nous en profitons après avoir été boire un verre au pub du coin en attendant qu'il soit l'heure de l'obtenir.



L'unique épicerie du village.



La "Bank of British North America", bâtiment classé historique.

Même les ampoules sont d'époque!

Ici, le permafrost cause des soucis pour la construction. Le sous-sol est en effet gelé en permanence, mais la chaleur dégagée par une habitation peut le réchauffer, et le "ramollir". Si la maison n'est pas surélevée, il y a un risque que la base se déforme, et que la maison se mette à pencher sérieusement!

Dans le "Red Feather Saloon", autre bâtiment historique. Notre guide francophone en habit d'époque.

La poste, bâtie au début du XXème siècle. Il existe depuis un nouveau bureau, tout à fait moderne, mais qui comporte encore aujourd'hui des boîtes postales, auxquelles tous les habitants doivent passer récupérer eux-mêmes leur courrier, puisqu'il n'y a pas de tournée de distribution organisée. La poste est donc encore aujourd'hui un endroit central dans la vie locale des habitants de Dawson.

La ville et toutes ces infrastructures se trouvent sur la rive Est du Yukon, mais une centaine d'habitants, dont notre guide, habitent de l'autre côté, et en été, ils doivent utiliser le ferry tous les jours pour venir travailler. En hiver, la rivière est gelée, et une route est créée sur la glace. Au printemps et à l'automne, quand la glace n'est pas assez solide, ces habitants sont bloqués de l'autre côté pendant 4 à 6 semaines! Ils doivent prévoir des vivres et tout le nécessaire pour tenir pendant cette période, et l'avertissement pour la fermeture de la route, par exemple, n'est donné que 24 heures à l'avance, ce qui ne laisse que très peu de temps pour aller faire le plein.

En nous promenant, nous remarquons une moto avec des plaques zurichoises, dont le propriétaire doit se trouver dans la chambre du motel devant lequel elle se trouve. Le lendemain, nous la retrouvons alors que nous atteignons le sommet de Midnight Dome, ainsi nommé car on peut y apercevoir le soleil de minuit, et qui surplombe la ville. Le propriétaire est là, accompagné d'un collègue de voyage floridien. Sur la moto de ce dernier, des autocollants de tous les pays du Monde - du moins c'est ce à quoi cela ressemble : Argentine, Ukraine, Chili, Australie, Afrique du Sud, Corée-du-Nord et du Sud... Les deux amis ont fait le tour du Monde l'an dernier, mais ont dû s'interrompre à Los Angeles faute de temps, alors qu'ils espéraient pouvoir terminer à Prudhoe Bay, sur l'Océan Arctique. Le zurichois a décidé de laisser sa moto en Californie pour revenir cette année finir leur tour du Monde avec son ami. Nous discutons un long moment de la route à venir : la partie après Dawson City est censée être la plus difficile d'après de nombreux motards rencontrés. Les deux confirment, mais nous rassurent en nous affirmant que ce n'est rien de bien terrible. Et que si nous arrivons à faire la "Top of the World" demain, alors nous pourrions tout à fait faire la Dempster, ou la Dalton - cette dernière menant justement à Prudhoe Bay et à l'Océan Arctique, au-delà du cercle polaire. L'idée nous plaît, et nous décidons d'y réfléchir sérieusement, quitte à couper une partie de nos plans pour la suite, en particulier dans les grandes villes. Nous sommes passés devant le début de la Dempster hier, et nous ne pouvons pas revenir en arrière, surtout avec le rendez-vous pour les motos à Anchorage dans 3 jours, mais la Dalton Highway part de Fairbanks, où nous allons passer par la suite. Nous discutons encore un moment avant qu'ils ne repartent, et nous laissent profiter de la vue sur la rivière, dans une ambiance un peu surréaliste, puisque des feux de forêts à quelques dizaines de kilomètres de la ville créent un voile de fumée au-dessus de la vallée.

 




 
De retour au village, nous allons visiter la dernière attraction ("last but not least!"), le casino/cabaret Diamond Tooth Gertie's. L'endroit est bien rempli, et les trois spectacles chaque soir attirent beaucoup de touristes. Il n'y a de toute façon pas grand chose d'autre à faire que de venir boire un verre et profiter du spectacle, certes, mais les chansons pleines de malice de la meneuse de revue, entrecoupées par les danseuses de french cancan valent certainement le déplacement.