Monday, December 30, 2013

Monument Valley

Nous reprenons la route sous un ciel couvert ce matin : si les couleurs des paysages ne sont pas aussi vives, il fait au moins nettement moins chaud qu'hier. Nous passons à côté de quelques villages Navajo, mais il n'y a pas un chat à l'extérieur. La route est excellente, ce qui nous repose après la journée difficile d'hier. Les paysages de roche rouge, dans cette région qu'on appelle "Valley of the Gods", et qui est une sorte d'avant-goût de Monument Valley, sont si majestueux qu'on comprend tout à fait le choix de ce nom.





A Mexican Hat, une petite communauté qui tire son nom d'un drôle de rocher en forme de sombrero à l'envers au sommet d'une colline, nous traversons la San Juan River, un important affluent du Colorado. Quelques kilomètres plus loin, au passage d'une colline, les monuments apparaissent au loin. Au milieu d'une immense plaine, ces géants sont visibles à des dizaines de kilomètres à la ronde, et deviennent de plus en plus imposants à mesure que l'on s'en rapproche.




Nous arrivons à proximité du parc à un croisement. Il est l'heure de manger, alors plutôt que de tourner à gauche vers le parc lui-même, nous partons à droite vers le complexe touristique. Ici, on n'est pas dans un parc national, et des entreprises privées sont donc venues s'installer pour profiter de l'attrait provoqué par le site. De grands hôtels-restaurants, des Bed and Breakfast et même une piste d'aéroport : la communauté Navajo qui gère le parc et ses environs n'a pas grand chose à voir avec les petits bleds paumés traversés il y a quelques heures.

Au Goulding's Lodge, une grand bâtiment construit au pied de la falaise, nous sommes tout de suite abordés par des touristes qui viennent de descendre de divers autocars. Des japonais insistent pour faire une photo avec nous à côté des motos, une allemande et des italiens veulent savoir comment nous avons atterri ici, et si, vraiment, nous avons bien fait venir les motos depuis la Suisse. Nous avons un peu l'impression d'être une curiosité de plus, mais ils sont tout de même très sympathiques, et c'est comme toujours agréable de rencontrer quelques personnes au passage. Nous nous installons à une table pour deux, alors qu'à côté de nous, les groupes de voyages organisés débarquent un peu comme du bétail, par cinquantaines, au rythme de l'arrivée des bus. Il y a beaucoup de bruit, on se croirait un peu dans une cantine de station de sport d'hiver, bien que le menu n'ait rien à voir, essentiellement composé de plats Navajo que nous considèrerions comme mexicains.

Dans le même complexe, un magasin de souvenirs vend toutes sortes de petits artéfacts fabriqués dans le style local, principalement des poteries, des tapis, et de petites marionnettes. Certains sont jolis, et semblent effectivement avoir été faits à la main, mais le prix de la livraison à l'étranger est plutôt prohibitif.

Nous retraversons la Route 163 pour atteindre l'entrée du parc. Un panneau nous avertit : la route ici n'est qu'un chemin de sable et de terre, et on conseille de ne pas s'y aventurer à moins d'avoir un véhicule tout-terrain. On dit souvent qu'après une chute à cheval, il faut tout de suite remonter en selle, alors nous y allons : ce sera l'occasion de se remettre en confiance rapidement (enfin je l'espère). Un énorme bâtiment, qui sert de restaurant, de magasin de souvenirs et d'hôtel, marque la fin de la route goudronnée et le début du chemin de 27 kilomètres qui permet d'explorer la plaine. Dès le début, on entre dans le vif du sujet avec une jolie descente sur un terrain très accidenté.



Cette fois-ci, pas d'acrobatie, nous descendons très lentement, d'autant qu'il est particulièrement difficile de freiner sans déraper sur cette surface bosselée et couverte d'une couche de poussière. Les voitures devant nous vont encore plus lentement, et il faut d'ailleurs régulièrement les laisser prendre de l'avance avant de nous remettre en marche, pour éviter d'avoir à donner le moindre coup de frein. Nous sommes obligés de nous focaliser complètement sur la route, mais nous nous arrêtons au bord du chemin aussi souvent que possible, car le spectacle à côté de nous est extraordinaire.




Nous ne voyons pas d'autres motos sur la piste. Les gens nous regardent encore une fois comme des animaux bizarres, plein d'étonnement, mais quelque fois aussi l'air impressionnés. En fait, c'est vrai qu'il n'y a ici que des 4x4 qui circulent, en dehors des grands bus aux flancs ouverts sur lesquels s'entassent les touristes n'ayant pas voulu s'aventurer avec leur propre véhicule. Les rares voitures parviennent pour l'instant à s'en sortir, mais les nuages qui s'accumulent au-dessus de nous ne présagent rien de bon pour elles, et peut-être pas pour nous non plus, d'ailleurs.




Il nous faut une bonne heure pour parcourir les 6 km qui mènent au croisement, à partir duquel débute la petite boucle autour de Rain God Mesa. Ou plutôt, nous nous arrêtons à une cinquantaine de mètres du croisement. Pour y arriver, une petite montée, qui ne serait rien de bien terrible si ce n'était le fait que le sable semble tout à coup y être très profond. Nous allons à pied tester le terrain. Il est effectivement très souple, pas de base de roche ici. Les pneus des 4x4 s'y enfoncent et laissent des profondes marques. Nous pensons tous les deux qu'il serait possible d'y monter, en roulant doucement, mais la descente ne serait pas simple du tout, et une chute ici serait très embêtante, avec tout le trafic. Après quelques minutes à réfléchir, la météo prend la décision pour nous. De belles gouttes commencent à tomber, et si cette petite portion est déjà difficile par temps sec, c'est toute la route qui deviendra très compliquée si la poussière se transforme en boue. Nous décidons de faire demi-tour, d'autant qu'il y a encore la descente initiale à parcourir en sens inverse.



Avec la pluie, le chemin devient progressivement plus difficile. Au début, le sol à tendance à se compacter un peu, ce qui est agréable, mais une fois la poussière transformée en boue, cela devient glissant. Les petits paquets de sable et de poussière deviennent lourds et il faut forcer un peu sur l'accélérateur pour éviter de se faire emporter dans la mauvaise direction. Quand nous arrivons à la montée juste avant le bâtiment d'accueil, nous décidons cette fois de prendre un petit détour moins raide. Les voitures commencent à avoir passablement de difficultés, et nous les voyons lutter pour conserver de l'adhérence. Pour nous, si la montée n'est pas de tout repos, elle se fait au moins à rythme régulier et sans trop d'accrocs. Aurore se trouve coincée une fois, chaque roue dans un trou, avec une bosse entre deux, mais elle s'en sort avec un bon coup d'accélérateur.

Nous arrivons au restaurant, et nous nous asseyons un moment pour boire un verre sur la terrasse et apprécier encore un moment la splendide vue. Deux jeunes françaises sont assises à côté de nous, et nous discutons un bon moment. Elles ont essayé de faire le tour en voiture, mais ont eu pas mal de difficultés. Ce n'est rien à côté de ce que nous pouvons voir sur le chemin, que nous voyons à présent serpenter depuis notre point de vue. La route est devenue tellement glissante que même les véhicules tout-terrain sont désormais en difficulté dans la montée. Certains s'en sortent, mais d'autres n'ont aucune traction, et n'arrivent qu'à mi-pente avant de se mettre à glisser sur place, et finalement redescendre en marche arrière, les roues bloquées glissant sur la boue. Nous continuons de discuter et d'observer tout cela encore un moment. Les deux demoiselles sont en voyage depuis une quinzaine de jours : elles ont visité New York, Los Angeles, et font maintenant un tour des parcs de l'Ouest avec leur voiture de location.

Nous reprenons la route, et entrons dès la sortie du parc dans l'Arizona. Pas de motel libre dans le coin, et avec cette météo, pas très envie d'aller camper, alors nous roulons encore deux heures jusqu'à Page. En route, une petite pause au croisement des routes 160 et 98, où des indiens Navajo tiennent de petits étals, et vendent encore une fois de petites poteries. J'y trouve un petit souvenir pour ma maman, et le vendeur m'explique la technique du horse hair pottery, la poterie décorée avec du crin de cheval. Le crin, posé sur la poterie à peine sortie du four, vient s'intégrer à la matière en formant de petites lignes noires, créant ainsi un joli contraste et des dessins étonnants. Nous atteignons Page juste avant un gros orage, et allons nous abriter dans la chambre pour récupérer en attendant le lendemain. Chaque jour nous amène en ce moment des souvenirs inoubliables, vivement le prochain!

Sunday, December 29, 2013

Petite parenthèse

Ouf, enfin un article après 6 semaines de silence, et 4 semaines après notre retour. Toutes nos excuses pour l'attente, mais lors des dernières semaines du voyage et des premières ici, nous avons eu un planning bien chargé et un état de fatigue croissant. Les vacances de Noël nous laissent enfin un peu de temps pour reprendre l'écriture. Nous comptons bien continuer jusqu'au bout, mais avec le retour au train-train, ce n'est pas facile.

En tout cas, pour ceux d'entre vous que nous n'avons pas encore eu l'occasion de voir depuis notre retour, nous sommes bien rentrés après 33'000 km de route, épuisés mais très heureux. On se réjouit de vous raconter la suite!

Canyonlands - The Needles

Au réveil, il fait déjà chaud. Hier soir, nous avons pu piquer une tête dans la piscine du camping. Elle était toute petite, et l'eau était fraiche après la chaleur intense de la journée, mais c'était agréable de baisser un peu la température. Pas le temps de le faire ce matin, car il faut lever le camp et se mettre en route. Le plan de la journée est d'aller visiter un deuxième tiers du parc de Canyonlands, les Needles, avant de prendre un peu d'avance sur la route de Monument Valley.

Une quarantaine de miles au Sud de Moab, nous arrivons à l'embranchement de la route vers les Needles, après avoir évité de nous faire renverser par deux 4x4 qui nous ont dépassé sans prendre la peine de nous laisser de place... Visiblement, les conducteurs en Utah ne semblent pas se faire trop de souci pour la sécurité des autres usagers de la route, car ce n'est pas la première fois depuis que nous sommes arrivés ici.

La route qui rentre dans le parc suit le fond d'un canyon, et passe devant un site historique appelé Newspaper Rock. Sur cette paroi du canyon, on trouve une grande collection de pétroglyphes datant d'environ 2000 ans, représentant des éléments de la vie courante pour les Navajos de l'époque, tels les animaux qu'ils chassaient, des hommes à cheval, ou des symboles culturels ou spirituels. Deux motards sont là en même temps que nous, un parisien et un américain, qui vivent comme nous l'aventure d'une vie.



La route continue vers l'entrée du parc à proprement parler, et traverse une grande plaine aride, entourée de mesas. Le paysage est spectaculaire encore une fois, mais il n'y a pas beaucoup d'occasions de s'arrêter pour prendre des photos, car le bord de route n'est pas bien large (du coup, je pique sans vergogne une image du Google Street View...).


Nous atteignons le Visitor Center et faisons une pause déjeuner sur les tables de pic-nic disposées à l'extérieur. Il fait très chaud, mais les tables sont à l'ombre d'un toit de jonc séché, ce qui nous laisse un peu de répit. Le Visitor Center ici n'offre qu'une petite exposition sur la formation des needles, mais pas de nourriture, heureusement, nous avons prévu le coup. Après avoir rempli les bouteilles d'eau, nous retournons aux motos, et y sommes attendus par un groupe d'une petite dizaine de chinois, qui semblent être en train de faire le tour du monde en 4x4, au vu de tous les autocollants sur leurs véhicules. La communication est difficile, car ils ne parlent visiblement pas un mot d'anglais ni d'aucune autre langue européenne, tandis que nos connaissances du chinois de limitent à "Ni Hao". Ils ont l'air très contents de nous rencontrer tout de même, et nous essayons de comprendre nos parcours respectifs, avec un succès limité.

En quittant le parking, un chemin en sable semble partir vers le Nord : le panneau "Colorado River Overlook" semble tentant, et je propose à Aurore d'aller improviser un peu sur ce chemin plutôt que de suivre les routes principales. Une petite descente initiale passée, la route est toute droite sur les 300 premiers mètres. La couche de sable est mince, et en dessous, le sol est dur, ce qui est rassurant. Un peu trop d'ailleurs... Au premier virage, qui n'en est même pas vraiment un, simplement un léger changement de direction, le sol devient meuble rapidement. Ma roue avant s'enfonce, impossible ou presque de tourner alors qu'il le faut pourtant bien, et je m'écrase sur le flanc gauche après avoir heureusement perdu un peu de vitesse. Mon pied gauche reste coincé sous la moto au moment de l'impact, et tourne de façon inquiétante vers l'arrière, mais le sable est mou et je m'en sors avec plus de peur que de mal tandis qu'Aurore me rejoint en roulant au pas.

La moto, elle, n'est pas tout à fait indemne. La bulle est venue taper dans le talus de sable au bord du chemin, et a basculé vers moi, arrachant au passage toutes ses attaches. Le levier d'embrayage est cassé et le protège-mains, s'il a fait son travail, a souffert au passage. Je suis couvert de petites boules piquantes que les buissons semblent parsemer un peu partout, et je me sens honteux d'avoir été aussi confiant. Aurore m'aide à décharger les bagages de la Triumph, car elle est bien trop lourde pour la relever, même à deux. Pendant ce temps, un ranger arrive avec sa Jeep, et nous demande si tout va bien. Je lui explique qu'il n'y a en tout cas pas de mal, et qu'étant donné que nous ne sommes qu'à quelques centaines de mètres du Visitor Center, on devrait arriver à s'en sortir. Il ne s'est pas passé plus de 3 minutes depuis la chute, et je me demande s'il a gardé un œil sur nous, ou s'il a une caméra de surveillance, mais j'apprendrai plus tard que ce n'est pas le cas, et qu'il était simplement là par hasard.

Nous commençons par rafistoler le pare-brise avec des micro-sangles en plastique, que nous avions prévu d'emmener avec nous, car elles permettent justement de se sortir de ce genre de petit souci. J'essaie de redémarrer et je m'inquiète pendant quelques instants, le temps de me rendre compte que le coupe-circuit est encore enclenché. Le sable très fin est venu se faufiler un peu partout, mais visiblement ce n'est pas un problème car la moto démarre sans souci.

Petite photo du bricolage, qui tient bien même à grande vitesse!
 Au vu des difficultés et du temps perdu, nous décidons de faire demi-tour et de retourner sur les routes principales. Nous nous dirigeons donc vers le Big Spring Canyon. Cette "grande source" n'a de grande que le nom en ce mois de septembre, mais on peut voir tout autour de nous que la roche a été creusée par l'érosion d'une manière étonnante.







Il nous reste juste assez de temps pour aller explorer le dernier coin de cette partie du parc, Elephant Hill. Le chemin en graviers qui nous y amène est bien plus simple à négocier que le sable d'un peu plus tôt, et le cadre toujours aussi magnifique. Arrivés au bout du chemin, une petite piste monte de façon abrupte le long des parois du canyon, mais nous avons fait assez d'acrobaties pour une journée, et décidons de rebrousser chemin.






De retour sur le goudron, la moto d'Aurore commence à avoir des soucis. La poignée des gaz semble à nouveau ne plus répondre, et la moto cale alors même qu'elle est en train de rouler. Nous arrivons péniblement au Visitor Center, mais encore une fois, il n'y a apparemment pas de raison évidente pour expliquer ces ratés. Après une longue pause, elle repart un peu mieux, et si le moteur a encore quelques ratés, au moins il ne cale plus. Nous quittons le parc par la route prise le matin-même, et roulons jusqu'à Blanding, où nous arrivons alors que la lumière du Soleil commence à baisser.

Alors que nous sommes en train de finir de décharger les affaires pour la nuit et de graisser les chaines, un groupe de vétérans - des militaires à la retraite - vient nous voir sur le parking du motel. Nous leur racontons nos péripéties du jour, et ils nous expliquent qu'ils viennent pour une réunion de vétérans de la guerre du Golfe. Ils ont l'air très sympathiques, mais ils doivent probablement se rendre compte de notre fatigue après cette journée magnifique, mais difficile, alors la conversation ne dure pas. Nous allons vite nous reposer, car les journées à venir pourraient bien être aussi pleines.